Heure zéro.
Les circonstances du sauvetage étaient particulièrement difficiles :
la nuit venait, c'était la troisième heure de recherche et de plongée en cet hiver très froid.
L'eau était à zéro degré et la mer déchainée. L'air, balayé par les embruns soulevés par les pales de l'hélico, était à -6 degrés...
Le bruit des 1525 chevaux du moteur, du vent, de la mer et les cris des naufragés étaient douloureux…
Une grande fatigue submergeait le sauveteur provoquant de dangereux automatismes :
plonger depuis l'hélico, chercher dans la pénombre, récupérer un naufragé, l'accrocher contre soi au harnais et le remonter, resauter, chercher accrocher et remonter, et encore…
Le sauveteur subissait un froid critique : à chaque treuillage sa combinaison se vidait de l'eau tiédie par le corps, à chaque plongée elle se remplissait de mer glacée.
Assis les jambes pendantes sur le bord de la porte latérale du Sikorski H34, il regardait la surface sombre, rayée d'écumes, fantomatique...
Pour sauter il devait attendre le signal du mécanicien : une simple tape sur l'épaule, l'instant où l'hélico devait être à 5 mètres de l'eau, mais les rafales de vent, les vagues et les 3600 Kg. de la machine rendaient cette hauteur très aléatoire !
Le soir venait… Le meccano casque et écouteurs sur la tête a dit au sauveteur :
"C'est fini, on rentre…
tout va bien ?"
Et d'un geste amical il lui a posé la main sur l'épaule… Le sauveteur, dans le bruit infernal du moteur, n'a rien entendu !
Machinalement, il a sauté.
L'hélico prenait de l'altitude : il était à 70 mètres au dessus de la mer…
Le plongeur à regardé sa montre : 05 h 59, l'aiguille des secondes s'était figée sur 55…
Durant les 3 secondes qu'a duré la chute il a pensé :
"Tiens, ma monte est arrêtée…" Puis il a réalisé qu'il tombait.
À cet instant, il s'est souvenu que, le 13 janvier 1957 par -4°, il s'était dégonflé pour plonger avec l'Abbé Simon, d'une hauteur de 30 mètres dans la Marne.
Alors il a vu un long film de sa vie, il a discerné sa mort, ressenti le désespoir de ses parents, il a perçu le sens de l'univers, des étoiles, des galaxies avant de sombrer dans une paix infinie…
Le froid de l'eau l'a ramené à la réalité, il avait perdu son masque et tout son matériel, mais il flottait, il était vivant et indemne!
Il a regardé sa montre : elle indiquait 05 heures, 59 minutes et 55 secondes et l'aiguille des secondes tournait !