Les chroniques élégantes de mondoclone©
L’artiste était heureux !
Ce client avait été chaudement recommandé…Il avait pris rendez vous, l’avait confirmé et s’était renseigné sur ce qui était disponible dans l’atelier …
C’était certainement un amateur…!
Il arriva à l’heure convenue dans une impressionnante Rolls Royce Silver Cloud II, de 1966. (La version longue de 5,48m. en bi-couleur noir et argent, intérieur cuir blanc et loupe d’orme, moteur 6 cylindres en ligne de 4,9 L, double carburateur, direction assistée, air conditionné, etc…)
On était dans las années 70, l’amateur comprendra !
En descendit un homme élégant d’un âge certain et une jeune femme tenant en laisse un trublion de 8 ans qui s’accrocha à la porte en verre de l’atelier en trépignant et hurlant :
« J’veux pas y aller, j’veux paas yyyaaaalller ! ».
Le garçon ne se calmant pas. La mère s’étala sur une chaise, tendit son poing vers le sauvageon en lui disant : « mords mon chéri, mords fort, ça ira mieux ! ». Le gamin mordit le poing tendu et s’apaisa immédiatement. La mère poussa un petit cri suivi d’un soupir…
Le chérubin se mit alors à tourner dans l’atelier comme une mouche en rut, imitant successivement le vrombissement d’une forteresse volante, le souffle d’une locomotive à vapeur, le hurlement d’une équipe de traders à la bourse de Londres, etc. !
Troublé, l’artiste essaya alors de décrire et de présenter ses œuvres. C’était des mécaniques précieuses, des constructions délicates, des pièces exceptionnelles et uniques !
Inspiré par l’instinct de survie, l’artiste repoussa le perturbateur vers l’établi et, pour l’occuper, lui présenta un marteau d’horloger, des clous et des chutes de bois. L’effet fut immédiat, une vocation naquit, le bruit cadencé du marteau remplaça le tohubohu précédent !
Le martelage ne cessa pas de toute l’après midi durant laquelle les parent se firent présenter les œuvres complètes de l’atelier et de la réserve. Hésitant entre l’une puis l’autre, puis l’une, non plutôt l’autre, celle là, ha non, ha oui…
Pour finir, après quatre heures, par dire :
« Hé bien… non… on ne peut pas choisir maintenant, c’est trop beau… On reviendra… »
Le gamin, sentant la fin de la visite proche, se précipita vers la porte en continuant de taper sur tout ce qui était à sa portée !
L’artiste dans un geste hautement commercial (bien que désappointé) offrit le marteau au futur apprenti qui monta seul à l’arrière de la Rolls…
L’artiste salua leur départ avec la satisfaction d’avoir peut être inspiré une vocation lorsque il contempla le chérubin le saluant d’une main et martelant de l’autre avec entrain la loupe d’orme finement vernie au tampon qui agrémentait les portières….
L’homme élégant avait l’air légèrement crispé…