Les chroniques élégantes de mondoclone©
La Forteresse perdue
C’était une lagune parmi tant d’autre, très près de la plage, entourée de sable et de genêts.
Personne n’y allait jamais : elle était trop loin des villages et infestée de moustiques…
En la survolant à basse altitude, nous avions repéré une différence d’aspect de l’eau en surface. La couleur et les vaguelettes dessinaient la forme d’une croix. Une rapide enquête auprès des vieux autochtones nous confirma qu’ils avaient vu tomber au loin, un aéronef, il y avait 20 ans, au dernier jour de la guerre !
À force d’en parler, il a été décidé que nous irions l’explorer.
Un hélicoptère (Sikorsky H34), nous a déposé à proximité.
Il nous a fallu porter le bateau pneumatique et le matériel de plongée au travers d’une plage de sables boueux et mouvants où nous enfoncions jusqu’aux cuisses.
Après une heure d’effort, nous avons atteint le paradis des plongeurs : l’eau était à 28 degrés, elle avait la transparence des lagons de Polynésie et une profondeur de moins de 10 mètres !
Le fond était tapissé de débris de métal, de plus en plus denses au fur et à mesure de notre avancement.
On y découvrait, à moitié ensablés, une bombe, des bandes de mitrailleuse, une roue, des débris de métal…
Plus loin, fantomatique, un grand parachute blanc déployé, oscillait comme une méduse géante !
Alors, comme par magie, une forteresse volante nous est apparue, à demie enfouie dans le fond de l’étang.
Elle était inclinée et recouverte de longues algues qui ondulaient à notre passage. Le bout de l’aile gauche était à moins de deux mètres de la surface. Du côté droit les longues pales d’une hélice jaillissaient du sable !
L’épave était énorme, encore agrandie par l’effet optique de la plongée !
Nous en avons fait le tour en écartant les rideaux d’algues. L’étoile blanche américaine était peinte sur la carlingue…
La porte arrière était arrachée, nous sommes entrés…
Venant de la lumière, l’intérieur nous parut très sombre et nous ne voyions qu’une lointaine lueur provenant du cockpit.
L’ensablement et une accumulation de débris rendaient la progression difficile. Nos bouteilles s’accrochaient dans les câbles, plaques et barres qui pendaient partout dans la carlingue.
En parvenant au poste de pilotage nous avons vu les deux aviateurs toujours sanglés.
Ils semblaient intacts avec leurs blousons, leurs casques et leurs écouteurs !
En posant la main sur le dossier du siège du pilote, la tête se détacha dans un nuage de poussière, et disparut au fond de l’habitacle…
Sous leurs combinaisons il ne restait que les squelettes….
Nous avons délicatement récupéré leurs plaques matricules et, très, impressionnés nous avons doucement fait demi tour pour ne rien déranger avec nos palmes…
Une bonne quinzaine de paires d’yeux nous regardaient fixement.
C’était des congres de 2 à 3 mètres pesant 80 à 100 kilos pièce !
La surprise devait être réciproque, très lentement nous avons nagé vers la sortie.
Nous frôlions les bêtes qui s’écartaient à peine. Au fur et à mesure de notre avancement dans la pénombre d’autres approchaient. À notre passage elles faisaient demi-tour et nous suivaient !
Ces 12 mètres parcourus dans la carlingue nous parurent une éternité, mais, une fois sortis de l’épave les congres avaient disparu !
Notre rapport fut remis aux autorités et nous n’en avons plus jamais entendu parler. Une recherche récente, dans l’immense base de données d’internet, ne nous a pas permis de retrouver la trace de ce crash.
Requiescat in pace …